Le personnage de roman:

Un roman est une œuvre en prose, assez longue, retraçant le parcours d’un « héros » : comment se constitue donc l’identité du personnage, et que recouvre précisément le terme héros ?

Le personnage de roman se distingue souvent du au héros antique ou du héros théâtre tragique : il n’a pas toujours leur grandeur et leur noblesse des héros, il n’incarne pas nécessairement une lutte digne face à un destin implacable. De manière nettement moins glorieuse ou grandiose, il connaît des sentiments et un parcours plus proches de ce que vivent les lecteurs. Il arrive cependant que le protagoniste dans certains romans vive des aventures extraordinaires ou témoigne d’une grandeur admirable. Mais, depuis le XVII° siècle, les romanciers cherchent à faire vivre des personnages qui soient proches de leurs lecteurs et de leur quotidien. Le « héros » le pivot du roman, et non plus selon la définition étymologique : il n’est plus un demi-dieu. Le roman met en scène un être complexe confronté au monde,

Le personnage de roman ou de nouvelle est le plus souvent un être fictif, « un être de papier » disait Paul Valéry. Cela suppose qu’il n’a aucune existence réelle. Un certain nombre de procédés interviennent cependant pour lui donner l’épaisseur d’un être, d’un individu. Cela permettra le processus d’identification du lecteur au personnage.

Il s’agit de donner l’illusion de la vie :

–       on lui donne un nom (= un effet de réel). Dans le roman moderne, on peut constater l’absence de nom, une absence censée refléter une crise du personnage (le Nouveau Roman par exemple voulait en finir avec les personnages et les intrigues traditionnels). Le nom peut être l’occasion pour l’auteur d’un jeu avec l’onomastique : étude des noms propres. Ex : Candide et Vanderdendur chez Voltaire.

–       L’auteur brosse le portrait physique et moral du personnage (portrait statique ou portrait en action). Dans un roman, le portrait est souvent éparpillé au fil de la narration. Le personnage se construit progressivement. L’auteur le dote aussi souvent d’un passé. Ici : allusion à l’origine de Nana qui vient du ruisseau. Ethopée = portrait moral ou psychologique/ Prosopographie: portrait physique. Certains auteurs comme Balzac recourent à la physiognomonie (physique reflétant le caractère).

–       On lui attribue également une vie intérieure : plusieurs solutions sont alors possibles, comme la narration à la première personne, le monologue intérieur ou le point de vue interne (focalisation interne/ point de vue subjectif: la scène est vue à travers son regard/ je le repère notamment avec la présence de verbes de perception ou de pensée). Le monologue intérieur permet au lecteur d’accéder aux pensées du personnage. Il cherche à claquer le flux ininterrompu des pensées qui traversent l’esprit d’un personnage (procédés: phrases nominales, énumérations, associations ou juxtapositions d’idées, parataxe, épanorthose: figure qui imite le mouvement de la pensée, le personnage corrigeant ou complétant immédiatement ce qu’il vient de dire). On parle aussi d’introspection ou de psychorécit (insistance sur les sensations, sentiments, impression). On parle aussi au début du XX° de stream of consciousness.

–       Les paroles rapportées, et notamment le dialogue, permettent également de préciser qui est le personnage, ce qu’il pense…Jeu sur les accents, ponctuation reflétant sa timidité, niveau de langue traduisant son origine sociale ou son irrespect etc…

– Le personnage est ancré le plus souvent dans un cadre spatio-temporel. Le lieu, comme les vêtements ou les objets peuvent avoir une valeur symbolique et refléter ce personnage (ses origines, son appartenance sociale, ses goûts et son caractère).

– Certains personnages sont des types psychologiques (Emma Bovary), moraux (la Princesse de Clèves) ou sociaux (Nana). Ils représentent alors toute une catégorie d’individus.

Le héros peut également livrer sa personnalité à travers des éléments « indirects » : ses gestes, ses mimiques, ses actions, son comportement sont autant de pièces qui viennent compléter le puzzle. De plus, les dialogues insérés dans le récit sont également porteurs d’indications sur le personnage.

Il faut garder à l’esprit que le personnage est susceptible d’évoluer au fil du roman. On peut donc parler de caractérisation dynamique dans la mesure où le récit rendra compte de ses changements physiques, psychologiques, moraux…Ceci est particulièrement vrai dans les romans d’apprentissage ou d’initiation.

Le personnage, un actant du récit :

Le personnage est généralement un actant dans le récit (son rôle peut varier : sujet, objet, adjuvant ou opposant). Cf. Schéma actantiel.

Le personnage et ses enjeux:

Selon le genre du roman ou le mouvement littéraire auquel il appartient, le personnage sera différent, et s’adressera ainsi à des « parts » différentes chez son lecteur :

– héros incarnant nos désirs d’exploration, notre ambition dans les romans d’aventures et d’action ;

– personnage soumis aux affres de la passion, pris dans les contradictions ou les doutes de ses sentiments et de ses désillusions dans le roman d’analyse et le mouvement littéraire du romantisme ;

– personnage cherchant à affronter le monde et avide d’ascension sociale dans le roman réaliste

personnage interrogeant le monde et l’individu dans les œuvres du XX° siècle, etc.

Mais le personnage est également porteur de sens :

Il peut être un type romanesque, emblématique d’un caractère, d’une classe sociale : ex Nana = type de la cocotte du 2nd Empire. / Mme Loisel incarne le type de la jeune femme rêveuse et insatisfaite. Mais elle incarne aussi la petite bourgeoisie.

Il peut refléter une époque.

Il peut aussi endosser une fonction symbolique, un système de valeurs.

Le personnage peut donc permettre  à l’auteur d’exprimer sa vision de l’homme et du monde.

Du héros à l’anti-héros/ l’antipersonnage:

Comme on l’a vu, contrairement au sens étymologique, le héros de roman n’est pas un demi-dieu de légende, il est plus proche de la réalité. Il a donc la capacité d’exprimer les nuances des individus et celle d’incarner différentes conceptions de l’homme, selon les époques.

  • Les personnages de romans portent encore parfois les valeurs des héros chevaleresques, ils sont parfois des « modèles » dans le domaine social, moral, spirituel, etc.
  • Mais ils peuvent cependant être tout aussi bien des héros « médiocres ». Enfermés dans leur condition sociale ou familiale, ils ne sont pas armés pour lutter ou manquent de grandeur. Claude Lantier, dans L’Œuvre, de Zola, se suicide après avoir compris qu’il n’atteindrait jamais son idéal. Nana est littéralement une cocotte et une actrice ratée. Ces personnages sont alors nommés « anti-héros ». A travers eux le romancier peut se livrer à une critique ou une satire de la société.
  • Au XX° siècle, l’anti-héros est toujours présent, mais on assiste également à ce que l’on pourrait appeler la « mort du héros »/ on peut parler d’antipersonnage dans le Nouveau Roman: ex dans « La Jalousie » de Robbe Grillet le personnage n’a pas de nom, n’est pas caractérisé et n’existe que par son regard voyeur.

Du fait des deux guerres mondiales, le doute s’installe sur la capacité de l’homme à maîtriser le monde. La foi dans le progrès (le positivisme) est battue en brèche, et la notion de personnage s’en ressent. Loin d’être un surhomme, ou même un homme ordinaire, le héros des romans du XX° siècle se délite et se décompose.

Selon les auteurs du Nouveau Roman (mouvance née dans les années 1950 à Paris), le roman n’est pas un moyen de connaissance. Il est avant tout (et peut-être seulement) une écriture. Beckett, par exemple, propose dans ses romans de longs monologues, ou discours, de personnages dont on ne sait presque rien. Les consciences sont impossibles à explorer, tout est opaque ou morcelé, les points de vue sur un même objet se multiplient sans former une image nette : le personnage n’est plus qu’une conscience sans certitudes – il est presque englouti.

Bonus: les fonctions de la description

– informative/ didactique: on peut parler de fonction mathésique

– cherche à représenter/ donner à voir la réalité: fonction référentielle

– fonction narrative: description qui contribue à l’action (ex description d’un objet qui va jouer un rôle dans le récit comme l’arme d’un crime)

– fonction symbolique: permet de faire passer une idée ou une valeur

– fonction esthétique: permet à l’auteur un morceau de bravoure et de mettre en valeur ses talents littéraires.

Autres:

– ne pas confondre point de vue (qui voit) et voix narrative: qui raconte

Point de vue = focalisation. La focalisation zéro (= point de vue omniscient): le narrateur sait tout du personnage/ Focalisation interne: la scène est vue par le biais d’un personnage (il y a une restriction de champ car cette vision est soumise à la subjectivité du personnage(ne sait pas tout, ne voit pas tout/ vision qui dépend aussi de ses états d’âme et de ses convictions). Focalisation externe = l’équivalent d’une caméra de surveillance: ne voit que ce qui se passe dans son champ, ne sait rien et ne fait aucun commentaire.

auteur = personne réelle qui a écrit le roman.

narrateur: personne fictive qui raconte. Attention: quelquefois le narrateur cède la parole à un personnage, on change alors de voix narrative

Les paroles rapportées:

– discours direct: dialogue rapporté tel quel avec des guillemets, des tirets et des propositions incises (ex: dit-il). Il permet un effet de mimésis puisqu’il donne l’impression au lecteur d’assister à la conversation. Dynamise le récit, le rend vivant.

– discours indirect: les paroles sont insérées dans des phrases de récit (ex : il expliqua qu’elle était partie). Ces paroles sont reformulées (subordination, emploi de QUE, temps du récit).

– discours narrativisé: propos évoqués sur un mode elliptique. Un verbe nous indique qu’un échange de paroles a eu lieu mais nous n’avons pas le détail. EX: Ils se saluèrent et prirent de leurs nouvelles respectives.

– discours indirect libre: mêle des marques des discours direct et indirect: pas de subordination, pas de verbes de parole, modification des temps (temps du récit le plus souvent). Ex: Elle le scrutait par la fenêtre. Il aurait fait un mari idéal.