Vladimir Propp

1 / Qui était-il ?

Vladimir Propp (1895-1970) : Folkloriste inscrit dans le mouvement du formalisme russe, il a enseigné l’ethnologie à l’université de Leningrad. Parmi ses autres livres, on trouve Les Racines historiques du conte merveilleux (1946), La Poésie épique russe (1955) ou encore Les Fêtes agraires russes (1963).

2 / « Morphologie du conte » = essai de narratologie paru en 1928 à Léningrad. 

Ouvrage globalement ignoré en Occident jusqu’à ses premières traductions en 1958 (anglaise) et 1965 (française). 

Propp étend l’approche du formalisme russe à l’étude de la structure narrative des contes merveilleux, soucieux de parvenir à une description et à une classification des contes.

Morphologie car il étudie les formes et vise à établir les lois qui en régissent la structure.

Il ne retient comme substrat d’analyse que des unités de sens. 

analyse structurale du conte. à schéma narratif

Contrairement à de nombreux spécialistes, il distingue le conte du mythe. 

Le mythe = Récit fabuleux, transmis par la tradition, qui met en scène des êtres incarnant sous une forme symbolique des forces de la nature, des aspects de la condition humaine . Pour les frères Grimm, par exemple, il existe « une identité originelle » entre mythes et contes.

Etude de 100 contes de fées russes qui lui permet de dégager une matrice dont tous sont issus. à Etude des variants et invariants.à Structure archétypale

Il voit dans les motifs des contes merveilleux des éléments décomposables, le jeu de variables, les noms et les attributs des personnages, et de constantes, les actions qu’ils accomplissent. Seule importe, pour la structure du conte, la fonction des personnages par rapport au déroulement du récit, quels que soient les personnages et quelle que soit la manière dont ils remplissent leur fonction.

à Arrive à la conclusion que les contes merveilleux russes sont constitués d’une suite syntagmatique de 31 fonctions, liées les unes aux autres par un rapport d’implication…

à Fonction = l’action des personnages définie du point de vue de sa signification pour le déroulement de l’action considérée comme un tout’’.

à Ces fonctions sont généralement organisées en séquences. Une séquence en narratologie est une combinaison de plusieurs fonctions ou ce que Propp qualifie, dans Morphologie du conte, d’« atomes narratifs ».

3 / Les 31 fonctions :

Les sept premières fonctions constituent dans l’économie générale du conte une section préparatoire.

0 Prologue qui définit la situation initiale (ce n’est pas encore une fonction).
1 Un des membres d’une famille est absent du foyer (Eloignement ou Absence).
2 Une interdiction est adressée au héros (Interdiction).
3 L’interdiction est violée (Transgression).
4 Le méchant cherche à se renseigner (Demande de renseignement ou Interrogation).
5 Le méchant reçoit l’information relative à sa future victime (Renseignement obtenu ou Délation)
6 Le méchant tente de tromper sa victime pour s’emparer d’elle ou de ses biens (Duperie ou Tromperie)
7 La victime tombe dans le panneau et par là aide involontairement son ennemi (Complicité involontaire) 

L’action proprement dite se noue avec la huitième, qui prend dès lors une importance essentielle.

8 Le méchant cause un dommage à un membre de la famille (Méfait — ou Manque).
9 On apprend l’infortune survenue. Le héros est prié ou commandé de la réparer (Appel ou envoi au secours)
10 Le héros accepte ou décide de redresser le tort causé (Entreprise réparatrice, contraire ou Acceptation du héros)
11 Le héros quitte la maison (Départ)
12 Le héros est soumis à une épreuve préparatoire (i.e. une épreuve de qualification) de la réception d’un auxiliaire magique (Première fonction du donateur).
13 Le héros réagit aux actions du futur donateur (Réaction du héros)
14 Un auxiliaire magique est mis à la disposition du héros (Transmission ou Réception de l’objet magique).
15 Le héros arrive aux abords de l’objet de sa recherche (Transfert d’un royaume à un autre ou Déplacement).
16 Le héros et le méchant s’affrontent dans une bataille en règle (Lutte ou Combat). C’est l’épreuve centrale.
17 Le héros reçoit une marque ou un stigmate (Marque).
18 Le méchant est vaincu (Victoire).
19 Le méfait est réparé (Réparation du méfait / manque).
20 Le retour du héros (Retour)
21 Le héros est poursuivi (Poursuite ou persécution du héros).
22 Le héros est secouru (Secours).
23 Le héros incognito gagne une autre contrée ou rentre chez lui (Arrivée incognito).
24 Un faux héros prétend être l’auteur de l’exploit (Imposture).
25 Une tâche difficile est proposée au héros (Tâche difficile). C’est l’épreuve de glorification.
26 La tâche difficile est accomplie par le héros (Accomplissement).
27 Le héros est reconnu (Reconnaissance).
28 Le faux héros ou le méchant est démasqué (Découverte)
29 Le héros reçoit une nouvelle apparence (Transfiguration).
30 Le faux héros ou le méchant est puni (Châtiment).
31 Le héros se marie et/ou monte sur le trône (Mariage).

4 / Des catégories de personnages :

Enfin, Propp montre que certaines fonctions peuvent être accomplies seulement par une certaine catégorie de personnage et jamais par une autre, chacun ayant une sphère d’action spécifique. Au total, il détermine que l’ensemble des fonctions se répartissent entre sept catégories de personnages abstraits :

l’Agresseur ou le méchant : qui produit le méfait ;

le Donateur : qui confie l’auxiliaire magique (symbolique ou matériel) ;

l’Auxiliaire : qui peut être universel et accomplit toutes les fonctions (cheval) ou partiel, qui accomplit plusieurs fonctions (la fée, le génie du conte oriental, l’anneau magique)  ou encore spécifique, qui accomplit une seule fonction (l’épée, le violon…)

Il délimite ensuite leur sphère d’action : sphère de l’agresseur, du donateur, de l’auxiliaire, de la princesse, du mandateur, du héros, du faux-héros.

Et parvient donc à cette définition du conte merveilleux : Propp peut dès lors donner du conte merveilleux la définition suivante: « … du point de vue morphologique, tout développement partant d’un méfait ou d’un manque, et passant par toutes les fonctions intermédiaires pour aboutir au mariage ou à d’autres fonctions utilisées comme dénouement. »